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en garde les bons conseils de Palmyre, qui, à quelques billets près, tient son magot du retour au pays, des autres femmes aussi qui mangeaient là, toutes rangées, toutes travaillant, comme Palmyre, pour elles seules, sans partager avec un petit homme. Il y avait même Mme Suzanne, la patronne. Mme Suzanne possédait l’expérience :

— Ma fille, dans votre métier, il ne faut que des clients, jamais d’hommes. Ainsi moi…

Moi ! Il suffisait de la voir : quarante ans, des bagues aux doigts, bien calée dans sa chair qui n’avait jamais connu d’hommes autrement que comme clients. De tels exemples encouragent.

D’ailleurs on ne peut pas dire que ce voisin lui fût sympathique. Les premiers jours surtout. Les moustaches rousses, il avait des yeux durs, de ces yeux qu’on remarque d’abord tant ils sont durs. Mais si, de fer pour les autres, ils se font de velours pour vous, peut-on s’empêcher de le remarquer aussi ?

Un jour, il se présenta :

— Moi je m’appelle d’Artagnan.

Un drôle de nom ! Mais il fit pour le dire un bien beau geste, la main au chapeau, puis le balançant comme s’il se dressait dessus un grand panache. Il expliqua :

— Oui, Mademoiselle, d’Artagnan, comme dans les Mousquetaires. Vous n’avez pas lu Dumas ?

— Non, elle n’avait pas lu Dumas.

— Quel dommage, Mademoiselle ! Et Londres, que pensez-vous de Londres ?

Ce qu’elle ?…