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À tout ce qu’ils demandaient : Yes, disait Marie. Un peu plus, un peu moins, allait-elle commencer des marchandages ? « Yes » est simple ; elle disait même « Yes, sir » pour être plus polie. Ce n’est pas pour rien qu’on a servi chez Monsieur : elle les voulait contents ; elle les traitait respectueusement comme un homme qui vous paie, mais familièrement aussi et avec tendresse :

— Yes.

Comme elle était jeune, le plus souvent on la voulait nue. Nue, n’allez pas croire qu’elle fût impudique : elle était nue. Certes de la pudeur, il en faut ; les hommes aiment la pudeur. Mais doit-on nécessairement la planter sur un sexe ? Son corps était bien fait, les cuisses rondes et roses, les seins qui tenaient droit, le dos avec une jolie ligne qui, depuis le haut jusqu’au bas, le partageait en deux parties bien blanches, également savoureuses. Où cacher la pudeur là dedans ? Elle portait la sienne quelque part, comme une belle fleur qu’on tient pour soi, dans un vase, au fond de sa chambre. Ainsi le corset, pour rien au monde, devant des yeux, elle ne l’eût enlevé : elle se retirait derrière une chaise. Se recoiffer aussi était gênant. Pour le reste, en chemise ou sans, elle trottinait, levait les bras, tendait la croupe, ne cachait, ni derrière ni devant, aucune fossette de sa personne : son corps était là, on pouvait le prendre et s’en divertir.

Mais, elle, oh ! non, elle ne se divertissait pas : le travail n’est pas une fête. Le divertissement, on le prend de son petit homme ; pour les autres, on fait les gestes qui donnent l’illu-