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À cause de sa tristesse, elle l’aimait un peu déjà.

Où irait-on ? Il ne ressemblait nullement à un homme qui se prépare à l’amour. Plutôt, entre les gens qui passaient, on l’aurait pris pour un veuf en deuil, derrière un corbillard. Il marchait lentement. Elle savait par Vladimir comment cela se passe. On cherche un hôtel, on prend une chambre… Elle calcula que puisque les affaires s’annonçaient bien, il serait moins coûteux d’avoir une chambre à soi.

La maison qu’il choisit, on n’aurait pas dit un hôtel : cela ne se lisait que sur une petite plaque.

— Entrez…

Elle entra la première et alors, tout à coup, en montant l’escalier, elle sentit comme une main la pincer dans son cœur. Elle oublia qu’elle n’était pas Française ; elle oublia qu’il est plus commode d’avoir à soi une chambre ; elle oublia son compagnon ; elle ne pensa plus qu’à elle-même. Ce qu’elle voulait allait réussir. Ça y était. Contente, elle aurait dû l’être et, cependant, elle était triste. Elle avait peur aussi. C’est cela : « triste et peur », elle avait trouvé les mots. « Triste », elle gravissait une marche ; « peur », elle gravissait une autre marche. « Triste et peur… Triste et peur… », tant qu’il y eut des marches, jusque dans la chambre.

Dans une chambre, la porte close, entre l’homme et la femme, on s’embrasse. Elle vint à lui avec ses lèvres :

— Non, dit-il.

Elle ne fut pas choquée. Triste, il avait le droit d’être brusque et, parce qu’il était triste,