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— Ma pauvre petite Yvonne, Monsieur…

Il la regarda avec ses yeux qui devaient se mettre tout près pour voir les choses :

— Voyons, vous avez donc tant de peine ?

— Oh ! oui. Monsieur.

Et pas seulement à cause d’Yvonne, la pauvre petite qui était morte.

— Dites-moi cela, Marie.

— Mais toute ma vie, Monsieur !

Son père, Monsieur, qui la battait ; sa mère, une brave femme, à laquelle elle ne pensait pas sans tristesse ; puis Hector, vous vous souvenez, Monsieur ? et cette Louise…

Monsieur se souvenait :

— Encore un gâteau, Marie, et votre verre.

Elle mangeait le gâteau, elle vidait le verre.

— Où en étais-je ? Ah ! oui, cette Louise…

Il lui venait des trous dans le cerveau ; elle ne se rappelait pas toujours ; elle s’embrouillait. Et puis la Marie dont elle racontait ces misères, était-ce cette Marie, assise dans la salle à manger de Monsieur, à boire son vin ? Toute cette histoire était vieille, presque l’aventure d’une ancienne camarade que l’on plaint, oh oui ! mais sans que sa tristesse vous poigne jusqu’au fond. Entre soi, on pouvait en rire. Elle éclatait :

— À votre santé, Marie.

— À la vôtre, Monsieur.

D’ailleurs, elle n’avait pas que des souvenirs tristes : ainsi la première lettre d’Hector : il la comparait à une fleur :

— Une fleur, Marie ?

— Je vous l’assure, une rose.

— Parce que vous sentiez bon ?