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Sur la table, se levait, toutes prêtes, un monceau de tartines. Mais elle voulut d’abord voir comment on avait arrangé la berce : elle était très propre ; en osier avec des draps, frais repassés. Elle sentait bon. Elle se trouvait sur deux chaises ; exactement pareille, il y en avait une autre où reposait un enfant.

— Ça, c’est le mien, dit Pélagie. Il s’appelle Jean. Voyez comme il est beau.

Pour faire plaisir, Marie regarda ce Jean : il avait une figure bouffie, un crâne chauve, des yeux qui ne paraissaient guère intelligents. Il semblait du même âge qu’Yvonne, mais comment la mère pouvait-elle le trouver si beau ?

— Oui, dit Marie, il est très beau.

—  Maintenant, fit Pélagie, vous devez avoir faim.

Tandis que Marie mangeait, Pélagie avait pris la petite et la déshabillait afin de prendre connaissance. Yvonne n’était pas grasse, mais très solide :

— N’est-ce pas, Pélagie ?

Le mari de Pélagie se trouvait là. Ce devait être un de ces paysans qui ne disent jamais grand’chose. La pipe en bouche, il regardait en remuant les épaules, mais il ne disait rien. Quand il s’en alla, il n’avait pas dit davantage.

— Voilà, conclut Pélagie, nous ferons notre possible.

Elle tira hors de son corsage de quoi en effet faire son possible : deux calebasses, rondes, bien gonflées, et blanches comme si l’on eût vu à travers le lait qui les rendait si lourdes. Avant d’en donner à la petite, elle les prit, une