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— Écoute, j’ai fait de la tarte. Emporte-la ; tu la mangeras, rien que pour toi.

Mais cette tarte tu l’aurais faite assez grande, qu’il y en eût pour trois.

Et puis, c’est drôle, cette femme puisqu’elle aimait Henry, même Henry, même avec toi, tu n’aurais pas voulu qu’on la trompe.

Il viendrait un moment où tu ne trouverais plus rien à dire… Parce que tu penserais… Tu voudrais retenir en toi certaines choses de la semaine. Par exemple, si tu avais souhaité : « Il restera pour de bon… » Ou bien si tu avais pleuré.

Dans ton pays, quand on se tait, on pense : un ange passe. Je n’affirme pas que l’ange serait toi. Mais voici : tu n’aurais pas maigri et pourtant tu ne serais plus une femme avec un gros derrière ; tes yeux, comme quand on veut devenir une sainte, auraient du bleu de sainte dans les yeux.

Tu ne le saurais pas : simplement parce qu’ils se mouillent, tu frotterais ces yeux. Tu aurais des élans comme ceux-ci : « J’ai mis de l’ordre, le voit-il ? Cela ne lui dit-il plus rien ? »

Ainsi à parler, puis à vous taire, vous regarderiez s’avancer l’heure. Henry aurait déjà lancé un coup d’œil à sa canne. Tu le retiendrais :

— Tu as le temps, tu n’as rien dit de toi :

Il aurait gardé sa façon de ramasser tout en deux mots.

— Moi, maman, eh bien ! voilà !

Tu voudrais savoir :

— Et ton travail ? Tu écris toujours ?

— Mais oui, maman.

— Et tu ne sens plus ta barre ?

— Mais non.