Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là. Elle se cacha derrière la porte ; elle entendit tout, elle entendit Henry qui soufflait : « C’est lourd, n’est-ce pas ? » Elle alla jusqu’à la fenêtre ; en se haussant un peu, elle vit la plate-forme d’une voiture, la malle qu’on poussait là-dessus, puis le chapeau du cocher. « Mon Dieu ! mon Dieu ! » quand cela partit.

Mais ce qu’elle ne vit pas, ce fut Henry : de la joie, oui, qui fait de l’air dans la poitrine ; mais ses yeux, Marie, ses yeux à cause de toi, et tu n’étais pas là pour dire :

— Ne pleure pas, mon gosse, ne pleure pas !

De drôles de jours, Marie à gauche, Henry à droite. Dis, Henry, ce n’est pas comme une branche que l’on casse, un tronçon là, l’autre ailleurs. Ce n’est pas comme autrefois, pour revenir en ville : « À qui ma ferme ? à qui mes poules ! » Maintenant Marie.

Dans ta vie, tu voulais plus de lumière ; tu crânais : « Peuh ! Marie, cela n’a pas d’importance. » Et voilà : cette Marie prend de l’importance ; cette Marie pleure ; cette Marie est une femme qui a été bonne ; une maman dont les choses qui sont arrivées, au fond, était-ce bien de sa faute ? Alors torturer cette Marie, plus tard quand elle saura, la torturer davantage, devoir être ce mufle, ça pince… on n’est pas fier. Et puis cette chambre où l’on est seul, certes on l’a voulue ; quand elle y vient, elle est douce l’épaule d’une Germaine Lévine ; mais on ne l’a pas toujours, cette épaule, et dans cette chambre où l’on a voulu vivre seul… on est seul. Seul, et avoir été cet Henry qui, une fois, au temps des poules, partit pour huit jours,