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qu’elle existe, met dans la vie une grande lumière. Si elle était heureuse, Mademoiselle, tant mieux ; lui, s’il devait souffrir, tant mieux. Il souffrirait pour qu’elle fût heureuse… Mais si heureuse que l’on soit, la vie est malfaisante et alors savoir qu’il existe dans l’ombre…

Il pleurait en terminant sa lettre. Il la relut. Il se trouva avoir écrit une phrase bien longue : « Mademoiselle, je vous le jure, vous n’auriez qu’un signe à faire, pour qu’aujourd’hui, demain, dans des mois ou dans des années… » Une telle promesse, Marie eût bien pleuré ! Pourtant, il ne supprima rien ; il mit en dessous un beau paraphe, un peu comme on signe un serment.

Le lendemain, Ida dut venir. La veille, à Marie qui disait : « Tu sais, je ne dors pas, mon chéri », il avait répondu : « Moi, je tombe de sommeil. » Il dit à Ida : « Le pagha, si vous saviez comme il a mal à la tête ! » et après, quand elle fut partie, à Marie seule : « Ida, reçois-la si tu veux ; moi, elle m’embête. »

On peut faire le compte : quinze jours, un serment, une Germaine Lévine, cela tue un pagha.

C’est peut-être ce qui arrive quand par-dessus le devoir, cette pauvre mèche, on a mis dans sa vie une grande lumière. Ce que l’on veut ensuite ? Encore plus de lumière.

Qu’on lui répondît non, il suppliait : « Vous êtes Impéria et vous êtes la Madone » ; il l’invoquait : « Je suis votre moine » ; il s’obstinait : « L’unique enchantement, de vous seule je le veux », et ainsi à ce qu’il disait, même à ce qu’il ne disait pas, elle avait beau se dérober : « Je ne puis rien pour vous », elle avait beau, à coups de