Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il disait : « Les Trappistes ont dans les yeux quelque chose de bleu que l’on ne trouve que dans les yeux des Trappistes. » À cause de ce bleu, le matin il se levait : « Je vais chez les Trappistes. » L’après-midi : « Je vais chez les Trappistes. » Quand Benoit arrivait : « Dites-moi, Benoit, est-ce que les Trappistes… ? » Tant qu’un soir, il annonça : « Écoute, Marie, l’homme et la femme dormir ensemble… je trouve cela malpropre… » et voulut un lit pour lui seul — comme un Trappiste.

Elle était dans le sien. Ces Trappistes, mon Dieu, elle les connaissait. Du bleu dans les yeux, peut-être ; quand même des hommes. Un jour elle avait cheminé avec le P. Isidore. Le P. Isidore avait comme fonction de visiter les malades : un religieux modèle, prétendait Henry. Eh bien ! ce religieux modèle, en allant chez son malade, fumait un gros cigare de Monsieur. Et le Père Abbé « Tu sais, avait dit Henry, cet homme, quand on l’aborde, on se met à genoux, on baise son anneau ; jamais je n’oserais. » À genoux, Marie ? Elle n’avait même pas regardé la bague, il avait dit : « Bonjour, Madame, un temps superbe pour les pommes de terre. »

— Petits côtés, faisait Henry,… tu verras.

Elle vit, en effet. Un jour, il amena un frère, le frère Joachim, qui, au couvent, s’occupait de la basse-cour. Il venait voir celle d’Henry. Il dit :

— Moi, Madame, si vous voyiez mes poules… moi, Madame, mes poussins ; moi, mes coqs, Madame.

Tout comme un autre paysan qui ne pense qu’à ses propres affaires.