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Et puis vous connaissez un mot qui vous plaît : la Grâce. La Grâce : un troupeau passe : moutons, moutons, moutons ; et dans ce troupeau, entre ces moutons, l’œil de Dieu cherche, l’œil de Dieu découvre, l’œil de Dieu choisit Henry Boulant, pas un mouton comme les autres : un bélier noir. « N’est-ce pas, Seigneur, que vous avez discerné ce bélier noir ; que votre Grâce l’a touché ; que vous l’avez mené ici ; que vous allez l’y garder, bélier le plus noir parmi ces béliers noirs ?… »

Après on ne sait plus : cette porte, cette église, ces moines, cet Absolu, cette Grâce, on sort ; peut-être que l’on marche dans la bruyère ; on médite, puis on rentre.

Henry rentra.

Dans le jardin Marie chipotait des légumes. Mon Dieu, oui, quand une Marie dans un jardin chipote des légumes, la tête en bas, elle met la croupe en l’air.

Une croupe en l’air, voilà qui vous rappelle que vous n’êtes pas encore Trappiste, que vous avez une femme, que jamais, à cause de cette femme, vous ne deviendrez Trappiste. Elle demanda :

— Eh bien, as-tu vu le couvent ?

— Mais tais-toi donc ; tu me dégoûtes !

Pauvre Marie ! Elle était là avec sa croupe, oui, que l’on met en l’air, mais aussi avec les doigts qui cousent, avec les bras qui traînent les œufs, avec sa poitrine de maman, où il fait bon pour un gosse de reposer la tête. Alors, Henry, pourquoi hier, même pour cette croupe… et aujourd’hui : « Tu me dégoûtes » ?