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— Que nous commencions par l’église ? Certainement, frère.

On entre dans l’église et là, sapristi, tous ces moines ! On ne s’imaginait pas : on les a déjà vus ; ils travaillaient dans leurs champs en froc, oui, mais avec des sabots comme vous ; ils retournaient du foin, ils chipotaient du blé : en somme, des paysans travaillant dans leur champ. Mais ici dans leurs stalles, rangés contre le mur, ces longues barbes, ces grands manteaux, ces têtes qui pendent, mais on dirait des morts. Morts déjà, on les a plantés là. En voilà un qui avait la bouche ouverte, sa bouche reste ouverte. Celui-ci regardait le ciel et ses yeux encore le regardent. Et celui-là, tout penché, si on ne se dépêche, il va se fiche par terre !

Vous en comptez ainsi quatre-vingts ; vous pensez : « Ces hommes qui font le mort pourraient être des hommes qui font la vie » ; vous en écoutez d’autres, au fond du chœur, comme on pousse une plainte, chanter leurs psaumes ; vous en distinguez un tout blanc, drapé comme dans un tableau, devant les orgues ; et il y a ces orgues ; il y a l’encens, il y a les vitraux, il y a les cierges, il y a l’ombre où se recueillent les couleurs de ces vitraux et les lumières de ces cierges, et alors ce que vous contemplez devient beau, devient émouvant, plus que beau, plus qu’émouvant, devient… presque littéraire !

Dites : un spectacle littéraire ! Avoir sa place dans ces stalles, la barbe de celui-ci, l’extase de celui-là ; ne pas écrire, mais vivre cette belle page. Le voyez-vous, Henry Boulant, la