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Pour une paysanne d’Henry, il y a beaucoup à faire. Elle n’a plus la couture comme en ville, mais elle a la couture de la campagne. Elle a le ménage, elle a le jardin, et puis les champs, et puis les poules.

Dans ses fonctions, Henry le paysan avait pris les poules. Il leur jetait le grain ; parmi celles qui mangeaient, il découvrait celles qui ne mangeaient pas, car elles pouvaient être malades. Il exerçait les poussins « Djip ! Djip ! » à lui sauter sur les doigts. Mais, pour le reste, il avait toujours besoin qu’on dise pour lui à la vie : « Non pas les cheveux, je viens pour la barbe. »

D’ailleurs, il devait réserver ses forces. Il l’avait dit :

— Maintenant que me voici libéré de la ville, tu verras les belles choses que je vais écrire.

Marie l’entendait, comme là-bas, essayer des mots. Il avait abandonné l’histoire du jeune homme. Il écrivait maintenant l’histoire d’une femme, une juive, qui dansait devant un général pour le séduire et lui trancher la tête. Pendant qu’elle dansait on entendait le clic-clac de ses sandales. La phrase des sandales était prête. C’était même pour la placer qu’il avait entrepris ce conte. Mais le reste venait mal. Il grognait : « Les poussins me dérangent. » Ou bien le vent. Parfois, il jurait : « C’est de ta faute. »

Son pauvre gosse, pourquoi se tracassait-il de ces choses ? Cette juive qui dansait, connaissait-il cette juive ? Avait-il jamais vu une femme danser en sandales ?