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malades, on croirait des oiseaux tristes. C’est à cause de la neige, à cause du vent, à cause du gel. Il gelait dans l’étable aux poules ; il gelait dans la chambre aux maîtres ; il gelait dans la chambre à Marie. Au coucher, Henry promenait sa lampe :

— Regarde, maman, tes murs, ils brillent ; ils sont en diamant.

Pas des diamants, de la glace. Elle grelottait :

— Couche-toi, vite.

Alors un soir, il dit :

— Tiens, maman, pourquoi as-tu les yeux salés ?

Elle expliqua : « C’est le soleil » ; une autre fois : « Le grand air. »

Soleil ou grand air, vous sentez bien, il se cachait là-dessous un mensonge : l’hiver les poules rentrent le cou et rêvent sur une patte. On dirait des oiseaux malades ; on dirait des oiseaux tristes ; on dirait, ma foi oui, des Marie qui rentrent le cou parce qu’elles rêvent à la ville.

Décembre… Janvier… Février vaut déjà mieux parce qu’il ne porte que vingt-huit jours. Mars en arrive deux jours plus tôt. En mars, il vint un jour à bonne nouvelle. Henry rentra :

— Je crois que c’est fini de geler.

Les poules secouaient leurs plumes et se risquaient sur deux pattes.

Il y eut ensuite toute une série de jours. Il y eut un jour le bord d’un fossé avec un tout petit brin d’herbe. Il y eut un jour une fourmi et là-bas un oiseau ; il y eut un jour avec dans l’air une bonne odeur ; il y eut un jour un paysan et devant lui sa charrue ; il y eut un jour… et