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sa lanterne. Il s’invitait : « Il fait froid dehors, je viens passer la soirée. » Il mettait ses pieds au feu. Ses chaussettes, quand elles fumaient, il ne se gênait pas pour les tirer. On lui voyait ainsi les orteils. Il disait : « Tâtez, il y a un cor qui pousse. » Pour un Benoît, un pied est un pied et ce que l’on trouve dessus, un cor ou bien un peu de terre. On n’a pas peur de le montrer. Tu pensais : « Comme Benoît est simple ! » Toi, Henry, montrer ton pied, tu ne l’eusses pas osé. Ce que l’on voit sur un pied n’est pas de la terre, c’est de la crasse ; un pied, c’est quelque chose que l’on enferme, dans des sabots soit, mais on l’enferme. Tout au plus, le montrais-tu à Marie, et encore, de ce que tu montrais, était-il l’accessoire. Henry, Henry, tu n’étais pas simple.

Il y avait Mélanie, la sœur de Benoit, une vieille fille. Sans lui lever la jupe, il est sûr qu’elle portait intact ce qui fait la valeur d’une jeune fille. Dans la ferme, elle s’occupait des cochons : les porcelets qu’on engraisse, les truies qui mettent au monde les porcelets, les mâles qui en fournissent la semence. Le mâle de Mélanie s’appelait Woutte. À la saison, il venait pour Woutte beaucoup de truies. Il en venait d’autres villages. Mélanie les présentait : « Hélà ! Woutte, voici de l’ouvrage. » Elle surveillait cet ouvrage ; quelquefois elle y allait de sa main. Après, elle constatait : « Aujourd’hui, Woutte a marché bon train. » Puis elle touchait cent sous. Mélanie était simple. Toi, Henry, tu avais assisté à ces rencontres ; tu savais que les Woutte travaillent de tout leur cœur, avec des cris de volupté et plus longuement que des hommes.