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faudra, tu le trouveras dans cette caisse où sont les clous.

Qu’aurait dit alors l’oncle ingénieur ? De sa vie Henry n’avait porté des sabots ; le premier jour, il avait sauté là-dedans et il marchait comme s’il n’avait jamais mis que des sabots en ce monde. À cause de l’estomac, trop cuite, trop rouge, trop grasse, la viande d’Henry filait au mur. Ici on mangea ce que l’on mange dans une baraque ; on cuisina du lard, on fit bouillir du chou. Henry disait :

— J’adore ce gras… je vais me bourrer de ce chou.

Voilà ce qui arrive quand on revient à la nature. Seulement, il faut la vraie nature. Il avait habité à Forest. Mais si près de Bruxelles, Forest c’est la campagne comme tout le monde. On a des camarades qui logent à Forest, on a des voisins, il y a des pianistes, on y rencontre des corbillards, on y voit avec son buste la sépulture d’un Monsieur qui s’appelle M. Chaudecuve. Dites ? Est-ce la nature quand on a constamment sous le nez la gueule en marbre d’un Monsieur Chaudecuve ?

Ici : Frantz, ou Guido, ou Johanna, tels étaient les noms des gens. Ils vous parlaient dans une autre langue ; le vent même vous parlait dans une autre langue. Et puis, tenez : en ville, on a besoin d’eau, on ouvre un robinet et l’eau coule. Ici, on allait au fossé ou bien au puits ; on se servait d’un seau au bout d’une perche, et cette eau n’était pas bête, elle goûtait un peu la rouille ; il y nageait des brins de mousse.

Tenez encore : en ville, un chien, c’est pré-