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se comportaient en personnes fort religieuses ; eh bien ! à ce qu’il annonça, Marie n’était pas loin d’être une bigote. D’autres dans un ménage prisaient les meubles sans poussière et justement Marie aimait l’ordre qui fait les meubles sans poussière. Il avait aussi un oncle, en quelque sorte le chef de la famille, et de plus ingénieur, ce qui n’est pas peu dire. Il fallut le consulter, c’est-à-dire dépeindre Marie, oh ! pas toute, simplement ce qu’elle était pour l’heure : une modeste ouvrière, une femme active et bonne qui le soignait et puis conclure : « Telle qu’elle, mon bien cher oncle, je l’épouse… »

Telle quelle, Marie ne convint pas au cher oncle. Il répondit : « Dans les conditions que vous me dites, le mariage serait une faute. »

Alors on discuta. Discuter, cela signifie se créer des raisons nouvelles, battre du tambour, sonner du tocsin pour qu’il en vienne d’autres, réveiller celle-ci, à celle-là mettre des bottes et toutes à la fois par masses, ou une à une en estafette, les envoyer contre l’adversaire.

L’oncle disait : « Vous êtes sans emploi, votre amie gagne peu, votre existence sera médiocre. » Médiocre ? Il y eut, en éclaireurs qu’on sacrifie au premier choc, des calculs de ce genre : « La vie à deux coûte moins que la vie chacun de son côté ; Marie gagnant déjà la sienne, la mienne est au quart assurée. »

Il y eut, perfide, la mine qui ouvre un trou devant l’assaut qu’on redoute : « Vous êtes vous, je suis moi ; nous crions chacun sur notre montagne sans pouvoir nous entendre. À quoi bon discuter ? »