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toutes les routes sont des routes. Faute de guide, Marie ne les discernait guère et passait de l’une à l’autre avec inconscience.

Quant à sa mère, la bonne femme, elle eût pu l’éduquer. Mais Marie ne la voyait que le matin, endossant vite sa mante pour aller à l’ouvrage et le soir l’enlevant, pâle, endormie déjà, avant de se mettre au lit.

Elle ignorait moins que les petites filles participent aux infortunes de leurs parents.

Elle était née la première ; longtemps elle avait été la seule. Son père enseignait alors la grammaire aux enfants d’un hameau. Fillette aux tresses enrubannées, on l’appelait : ma jolie demoiselle, pour flatter Monsieur l’Instituteur : un personnage. Jeunes et heureux, ses parents la gâtaient.

Une première sœur vint plus tard, dans la ferme où le père, qui avait démissionné, réunissait, à défaut d’élèves, des vaches. Plus de rubans dans les tresses. Chaussée de sabots, elle traînait, avec sa mère, des seaux remplis de lait. Moins heureux, Père la bousculait plus souvent : ses vaches crevaient.

Trois fois encore, elle vit arriver un petit frère ; ensuite, une petite sœur ; longtemps après, toutes les bêtes étant mortes, un dernier trouvé dans la maison qu’ils occupaient maintenant aux confins d’une ville d’eau, à trois rues de la plage.

Grands frères et jeune sœur, Marie les soignait, depuis la cadette dont il fallait encore laver les langes, jusqu’aux tartines des plus grands qui allaient déjà en métier. Mère n’avait pas le temps, trop occupée à soigner le ménage des