Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dors en paix, François. Peut-être un noceur, peut-être usé par la vie, mais l’homme est un saint, François, qui d’une femme indolente dans un lit, fait une femme attentive à l’aiguille de sa machine à coudre.

Elle l’avait remarqué : on découvre dans les journaux la dame qui demande : lingère peu exigeante pour raccommodage ; la dame qui demande : lingère très expérimentée pour chemises d’homme. Raccommodages, trousseaux, chemises, Marie connaissait la besogne. Sa tâche le matin l’attendait. C’était dans une annexe, ou dans la véranda, d’autres fois, où il fait plus triste, dans les sous-sols près de la cuisine :

— Bonjour, Madame. Voici une pièce de toile, calculez bien, vous en tirerez douze chemises. Voici des mouchoirs à ourler. Regardez ces pantalons, ils étaient neufs : les blanchisseuses ne respectent rien avec leur chlore.

— Bien, Madame.

Elle travaillait. Culottes, mouchoirs, chemises, elle avait toujours ce besoin qu’on fût satisfait de sa besogne.

On l’appréciait. Une dame a rencontré le malheur et, avec des ciseaux et du fil, tâche de se refaire une existence. C’est louable, on en profite. Au bout de la journée, après douze heures de linge, on lui remettait deux francs cinquante. Ceux qui étaient bons allaient jusqu’à trois :

— Oh ! merci, Madame !

Le soir elle retrouvait ses meubles. Ils étaient beaux, en chêne, avec des glaces qui reluisent. Sur la cheminée, en portrait, François debout, une main en poche, tel qu’il aimait se tenir.