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aussi que toute personne qui tourne sur place un peu long-temps, éprouve une semblable illusion. L’homme ivre s’imagine que tout va tomber sur lui ; parce que ses esprits visuels ayant eux-mêmes un mouvement rétrograde, les objets lui paroissent se mouvoir dans le même sens et se porter vers lui. De plus, par cela même qu’il croit les voir s’ébranler et tourner autour de lui, la crainte lui fait croire qu’à la fin ils pourroient bien tomber sur lui[1]. S’il ne peut apercevoir

    nette ; l’objet même qui l’excite à ouvrir les yeux, lui brouillant la vue ; et chaque individu, sain ou malade, soit au physique, soit au moral, suppose dans l’univers l’ordre ou le désordre qui est dans son œil, dans sa tête ou dans son cœur. Ainsi, au lieu d’imputer aux hommes des méprises souvent involontaires, il faut tâcher de les détromper sans leur dire jamais qu’on les détrompe ; car ce n’est pas la chute qu’il faut relever, mais l’homme qui est tombé.

  1. Que l’ivrogne se penche vers la muraille, ou que la muraille se penche vers l’ivrogne, il est certain que, dans les deux cas, il en sera plus proche : or, de temps en temps l’ivrogne a une rai-