Page:Bacon - Œuvres, tome 9.djvu/72

Cette page n’a pas encore été corrigée

duisent le même effet, quant à la vision ; et l’apparence, dans ces trois cas, est absolument la même[1]. On sait

  1. Ce genre de méprises est l’image de celles où nous tombons nous-mêmes dans ces autres genres d’ivresse désignés par le nom de passions. Dans presque tous nos jugemens nous attribuons à la personne, ou à la chose que nous jugeons, des qualités analogues à la manière dont nous sommes affectés, soit qu’elle ait ou n’ait pas été la cause de notre sentiment. Tout nous paroît tourner, quand la tête nous tourne ; et la tête nous tourne toujours un peu, car nous ne sommes jamais tout-a-fait à jeun. Au reste, ce n’est pas l’homme qu’il faut accuser de ces méprises, mais la nature humaine ; elles sont en partie nécessitées par sa constitution même. En effet, comme l’âme humaine ne peut percevoir immédiatement aucun être physique, et ne perçoit les corps que par l’entremise de celui auquel elle est unie, l’homme attribue involontairement aux personnes et aux choses qu’il juge, les qualités de ce milieu à travers lequel il les regarde ; il croit voir sur l’objet la tache qui est dans son œil : ses observations, qui ne devroient être que des sensations observées, mais auxquelles il mêle sans cesse des jugemens, se sentent toujours un peu des défauts de sa lu-