Page:Bacon - Œuvres, tome 9.djvu/261

Cette page n’a pas encore été corrigée

modes ou manières d’être connues sous le nom de vertus ou de qualités[1]. Mais,

  1. Rien de plus commode pour expliquer, en apparence, des effets dont on ignore réellement la cause, que de supposer dans l’intérieur des corps, certains fluides très subtils, invisibles, impalpables, à l’abri de toute critique, et dont on ne peut dire ni bien ni mal, parce qu’on ne sait ce que c’est ; car, dès qu’on dit des choses claires, on est forcé de dire des choses vraies ; et l’on ne peut déraisonner impunément qu’à la faveur de l’obscurité des expressions. Mais telle est la marche de tous les systématiques ; au lieu d’avouer ingénument une ignorance d’autant plus excusable, qu’il semble très permis d’ignorer ce que personne ne sait, ils donnent des noms à ces causes inconnues à eux comme à nous ; et comme ce n’est ordinairement qu’après avoir connu et distingué chaque chose, qu’on lui impose un nom, cette nomenclature qu’ils ont créée les trompant eux-mêmes, après avoir donné des noms à ces causes qu’ils ignorent, ils croient les connoître. Chaque systématique choisit les dénominations les plus familières dans la science qu’il professe, et de ces nomenclatures diverses résultent une infinité de systèmes qu’un croit fort différens, mais qui ne sont au fond que le même, diversifié par les mots et les