Page:Bacon - Œuvres, tome 4.djvu/485

Cette page n’a pas encore été corrigée

CXXII.

Ainsi, nous dirons de nous ce que disoit de lui-même, assez plaisamment, un orateur d’Athènes[1]. Il est impossible, ô Athéniens ! disoit-il, que deux orateurs, dont l’un boit du vin, et l’autre ne boit que de l’eau, soient précisément du même avis. Or, les autres hommes, tant anciens que modernes, n’ont bu dans les sciences qu’une liqueur crue et semblable à de l’eau ; liqueur qui découloit naturellement de l’esprit humain, ou qu’ils en tiroient,

    si on le savoit, on n’auroit plus rien à chercher, Tout ce qu’on peut connoître avant coup, c’est tout au plus le genre ou la destination de ce qu’on cherche. Il y a donc, comme il le dit, beaucoup de hazard dans l’invention ; et il y en a d’autant plus, qu’en cherchant une infinité de choses qu’on ne trouve pas, on en trouve beaucoup d’autres qu’on ne cherchoit pas ; l’imagination étant une sorte de cheval rétif et capricieux qui se porte presque toujours du côté opposé à celui où le pousse notre volonté.

  1. Eschine parlant de lui-même qui aimoit le vin, et de Demosthène qui ne buvoit que de l’eau.