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matelats, au lieu de prendre ainsi les choses à la lettre, mieux pourvus de chiffons, nous avons bien su mettre notre morale en falbalas ; nous habiller de mots, et par mille artifices mettre nos préjugés d’accord avec nos vices. Mais, eussions-nous gâté ce gothique dépôt, tout notre tort à nous, en brodant la morale, et parant les vertus que notre siècle étale, seroit de n’être pas venus un peu plutôt. Autres siècles, autres systèmes : ce qu’en nous aujourd’hui blâment les mécontens, ces graves anciens, ils l’eussent fait eux-mêmes, s’ils eussent avec nous, vécu de notre temps. N’en condamnons aucun : tout siècle, quoi qu’il fasse, en cherchant ou fuyant un noble ou vil objet, fait en cela ce qu’à sa place, sans avoir tort ni droit, tout autre siècle eut fait. Tout bien considéré, les anciens avoient plus de bon sens que nous ; mais nous avons plus d’esprit qu’eux ; et nous avons même tant d’esprit, que nous n’avons pas le sens commun ; ce qui fait compensation. Car, le sens commun est la faculté qui applique les moyens communs à l’utilité commune : mais nous, à force de chercher le rare, nous rencontrons le pire ; et ce genre d’esprit dont nous nous piquons, n’est qu’un instrument bon pour faire fortune dans un commerce de paroles et d’apparences ; c’est une fausse monnoie dont nous payons de faux monnoyeurs. Mais le véritable esprit, c’est celui qui mène au