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Grec ou Latin, sait que l’antiquité vaut toujours cent fois mieux que la postérité. Mais la plus grande différence des modernes aux anciens, Romains Coptes, Chinois, Scytes, Grecs, Indiens ; différence à mes yeux d’une haute importance ; c’est que les anciens sont venus les premiers, et les modernes, les derniers. Que ces premiers venus ont dit de choses neuves ! Et la plus forte de mes preuves, c’est que le monde alors, étant tout frais moulé, personne encore n’avoit parlé. Si j’avois, ainsi qu’eux, joui du droit d’aînesse, moi malheureux cadet, au lieu de répéter ces graves quolibets qu’ils surent débiter, j’aurois, aussi bien qu’eux, inventé la sagesse. Ils furent sobres, nous dit-on ; témoins les courts repas de l’austère Caton : de leur sobriété veut-on savoir la cause ? C’est que pour leur dîner ils n’avoient pas grand’chose. Car la misère et la nécessité mènent tout droit à la sobriété et le plus beau secret de la philosophie, le grand moyen qui simplifie, et dans le droit sentier vous mène jusqu’au bout, c’est, disoit Phavorin, de n’avoir rien du tout. Qu’ils étoient purs dans leurs mœurs et leur style ! mais cette pureté leur étoit bien facile : occupés tout le jour à chercher leur dîner, ils n’avoient ni le temps, ni l’art de raffiner. Mais nous, leurs héritiers, au soin de l’abondance, qui, faisant deux fois moins, avons double pitance, et rêvons la vertu sur deux bons