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Si quelque autre venoit à penser qu’en exigeant de l’esprit humain qu’il reste, avec tant de persévérance et de sollicitude, perdu et comme noyé dans les flots de l’expérience et dans la multitude confuse des faits particuliers, nous le jetons dans l’état d’anxiété qui est l’effet naturel de cette confusion, et le tirons de cet état de calme et de sérénité, fruit des spéculations abstraites, qui approche beaucoup plus de celui de la divinité[1].

  1. Par cela même que la philosophie abstraite ne roule que sur des abstractions, le sujet dont elle s’occupe est aussi simple qu’elle le veut ; elle le pétrit et le moule à son gré. Le secret des spéculatifs pour résoudre les problèmes les plus difficiles, est de ne point apercevoir ces difficultés ; comme leur recette, pour se garantir de tous les maux, est de les effacer, pour ainsi dire, en n’y pensant point. Mais cette tranquillité artificielle qu’on se procure un instant, en voyant les choses tout autres qu’elles ne sont, ou en se crevant méthodiquement les yeux pour ne les point voir, on la perd dès qu’on est obligé de les employer telles qu’elles sont ; sitôt qu’on veut appliquer à la réa-