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faut dire ce que nous pensons sur ce sujet, ne seroit-ce pas par cette raison même que les plus excellons livres et les plus éloquens discours des anciens, qui invitent si puissamment les hommes à la vertu, en présentant aux yeux de tous sa majestueuse et auguste image, et en livrant au ridicule ces opinions populaires qui insultent à la vertu sous le personnage de parasites ; que ces livres, dis-je, et ces discours sont de si peu d’effet pour multiplier les gens de bien et réformer les mauvaises mœurs[1] ; par cette même raison que

  1. L’effet des bons livres paroît douteux ; d’abord parce qu’il est lent, graduel et paisible ; puis, parce que, comparant toujours les hommes réels à ces modèles plus parfaits, dont les romanciers, les poëtes et nos propres désirs nous donnent l’idée, nous ne sommes jamais assez indulgens pour les hommes avec lesquels nous vivons, ni assez contens de ce que nous avons : mais ces hommes dont nous nous plaignons, seroient bien pires si on leur ôtoit ces livres ; par exemple ceux de Rousseau, dont l’effet sera toujours de faire aimer la vertu et de la faire pratiquer, du moins en certaines occasions.