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vrir et se communiquer, sont des espèces de cannibales qui dévorent leur propre cœur[1]. Mais une dernière observation à faire sur ce premier fruit de l’amitié, c’est que cette libre communication d’un homme avec son ami a deux effets qui, bien qu’opposés, sont également salutaires ; savoir : de redoubler les joies, et de diminuer les afflictions. Car il n’est personne qui, en faisant part de ses succès à son ami, ne sente augmenter sa joie en la communiquant, et qui, au contraire, en répandant, pour ainsi dire, son âme dans le sein de son ami, et en lui révélant ses chagrins les plus secrets, ne se sente soulagé. Ainsi, l’on peut dire avec raison l’amitié produit, dans l’âme humaine, des effets analogues à ceux que les alchymistes attribuent à leur

  1. Il vaut peut-être mieux le manger soi-même, que le faire manger aux autres ; car la véritable amitié étant fort rare, les vrais amis ne sont donc que des exceptions, et la règle même nous défend d’attacher notre bonheur à des exceptions.