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quelquefois aussi celle du crocodile, qui répand des larmes, quand il veut dévorer. Mais, ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ces hommes qui sont ainsi amans d’eux-mêmes, sans avoir de rivaux (genre de caractère que Cicéron attribue à Pompée), finissent ordinairement par échouer dans leurs desseins ; et après n’avoir, durant toute leur vie, sacrifié qu’à eux-mêmes, finissent par être eux-mêmes des victimes immolées à l’inconstance de la fortune, à laquelle pourtant ils se flattoient d’avoir coupé les ailes par leur prudence intéressée[1].

  1. L’égoïsme est tout à la fois un crime et une sottise ; tout homme qui dupe les autres finissant toujours par être dupe de lui-même ; et l’égoïste n’est qu’un ignorant qui ne voit pas que l’égoïsme des autres hommes réagit naturellement contre le sien. Car tout être sensible est forcé, par cela seul qu’il est sensible, et par conséquent a droit de vouloir son propre bonheur et de le vouloir sans cesse : son bonheur, dis-je, est sa première, sa seconde, sa centième, sa millième, sa dernière fin, le but de tous ses buts, et le bonheur des