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cles dans un état populaire ; mais elle a moins d’influence et d’ascendant sur un prince ou un sénat ; et les hommes très

    folie commune, sous peine de passer pour fous. Car tout homme, sage ou fou, paroit fou à ceux auxquels il ne ressemble pas, et sage à ceux auxquels il ressemble. D’ailleurs, tout sage devant faire le sacrifice de son opinion particulière à l’opinion publique, et déférer au sentiment de la pluralité, il est clair que les fous ont toujours raison ; qu’il ne faut jamais peser les voix, mais seulement les compter, et que cent vues courtes décuuvrent beaucoup plus loin qu’une seule vue longue. Il ost vrai que la pluralité n’est presque jamais qu’une sotte majorité, menée par une minorité friponne : cependant, comme la force est naturellement dans le grand nombre, où se trouve aussi le droit, la minorité adroite et audacieuse, qui sait, en chatouillant les passions de ce grand nombre, et en battant un à un les sages isolés par la crainte ou l’émulation réciproque, tirer à elle la force, tire, par cela seul, à elle et le droit, et les sages et les fous, Voilà ce que vouloit dire Hobbes, et ce n’étoit rien moins qu’une sottise ; il parloit du fait et non du droit qui n’est qu’un prétexte ; et dans le fait, c’est presque toujours le fait qui tient lieu de droit.