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eu raison de dire qu’il est impossible d’être en même temps amoureux et sage. Or, non-seulement cette foiblesse paroît ridicule à ceux qui en voient les effets sans y être intéressés, et qui en sont (actuellement) exempts ; mais elle le paroît bien davantage à la personne aimée, lorsque l’amour n’est pas réciproque. Car il est également vrai que l’amour est toujours payé de retour, et que ce retour est ou un amour égal, ou un secret mépris ; raison de plus pour nous tenir en

    de la fièvre intermittente d’un besoin très vif, très réel, mais moins fréquent que tous les autres, et de la fièvre continue de la vanité, nourrie par les poëtes, les romanciers et autres rêveurs fort agréables, qui, en nous inspirant, pour d’aimables fantômes, une belle passion qu’il faut bien tôt ou tard appliquer à quelque objet réel, éveillent ainsi toutes nos facultés actives, et nous rendent plus capables d’engendrer des réalités. L’amour n’est sans doute qu’une chimère ; mais c’est une chimère qui produit des substances, et par conséquent très solide. Ce qu’on aime dans sa maîtresse, ce n’est pas précisément elle, mais cette femme plus parfaite