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sionnée par un grand affront, et d’où résulte une profonde et longue affliction, contractant excessivement les esprits, et quelquefois même au point de les suffoquer, devient ainsi très pernicieuse.

89. De toutes les affections de l’âme, la plus salutaire, et celle qui contribue le plus puissamment à la prolongation de la vie, c’est l’espérance, pourvu qu’elle ne soit pas trop intermittente, ni trop souvent entrecoupée de craintes, et qu’elle nourrisse, pour ainsi dire, l’imagination de l’image durable d’un bien, soit réel, soit chimérique[1]. Aussi ceux qui, dès

  1. La fortune du malheureux est l’espérance ; qui ôteroit au pauvre ses rêves dorés, le rendroit bien plus pauvre ; en comptant les écus qu’il espère, il se passe plus aisément de ceux qu’il n’a pas ; et il pardonne plus volontiers aux riches fainéans d’avoir englouti dans leur superflu le nécessaire de cent hommes laborieux. La sottise qui nourrit l’espérance, vaut mieux que la sagesse qui la détruit, si la sagesse peut être autre chose que l’art de nourrir ce sentiment : nouvelle raison pour respecter les dogmes de l’existence de Dieu et de