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ceurs dont il jouit dans sa vieillesse[1]. Nous pensons aussi que les sentimens et

  1. L’homme ne pouvant demeurer toujours au point où il est, et ne voulant jamais descendre, il est clair qu’il souhaito toujours de monter ; le prétendu amour de l’égalité qu’il affecte, lorsqu’il se trouve extrêmement bas, n’est en lui que le désir d’être égal à ses supérieurs, pour devenir ensuite supérieur à ses égaux. Mais les hommes ne peuvent pas monter ainsi tous à la fois : pour que les uns puissent monter, il faut que les autres restent en bas, cette élévation qu’ils désirent n’étant que relative ; et quand on veut être l’égal de ses maîtres, on risque d’avoir ensuite pour maîtres ses égaux. D’ailleurs, pour être heureux, une élévation réelle n’est nullement nécessaire, et il suffit, pour être content de sa situation, de se croire maître de monter. Ainsi, dans quelque heureuse situation qu’on ait pu se placer, il faut en descendre quelquefois, pour se ménager le plaisir de remonter, ou celui de sentir qu’on le peut, et se placer toujours un peu au-dessous du degré auquel on seroit maître de s’élever ; le plus heureux de tous les mortels c’est celui qui, s’étant placé volontairement au plus bas de l’échelle sociale, se sent maître de monter durant tout le reste de sa vie. Et le plus infortuné c’est l’imprudent