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longation de la vie. Je n’ai jamais rencontré d’individu fort avancé en âge, sans le questionner sur sa manière de vivre, et j’ai toujours trouvé quelque chose de particulier, d’original même dans son régime. Je me rappelle entr’autres un vieillard plus que centenaire qui fut produit comme témoin d’une prescription fort ancienne. Lorsqu’il eut rendu témoignage, le juge, conversant familièrement avec lui, lui demanda à quoi il avoit dû une si longue vie. Il en reçut cette étrange réponse, qui excita un rire universel : en mangeant toujours avant d’avoir faim, et en buvant toujours avant d’avoir soif[1].

  1. Il auroit pu ajouter, en me privant toujours du plaisir de manger et de celui de boire. Mais, pour ôter à cette réponse ce qu’elle a d’étrange et même d’extravagant, il suffit d’y faire ce léger changement : avant d’avoir une faim ou une soif excessive. Lorsque l’homme demeure trop longtemps sans manger ou sans boire, il se boit ou se mange, pour ainsi dire, lui-même. L’irritation que produit dans l’estomac, une faim, ou une soif excessive, déterminant vers ce viscère les fluides