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tire de son sein et les jette dans le fleuve Léthé. Autour de ce fleuve voltigent une infinité d’oiseaux, qui saisissent ces médailles à leur chûte ; puis les tenant quelque temps dans leur bec, et les promenant çà et là, les laissent tomber par mégarde dans le fleuve. Mais parmi ces oiseaux, il est quelques cygnes qui saisissent telle de ces médailles, avec le nom qui s’y trouve gravé, et la porte aussi-tôt dans un certain temple consacré à l’immortalité. Voilà ce que dit le poëte. Mais on peut dire que de notre temps ces cygnes-là sont bien rares : or, quoique la plupart des hommes, plus mortels par leurs soins et leurs passions que par leurs corps, se soucient peu de la mémoire de leur nom, regardant la gloire comme une sorte de vent et de fumée. Âmes, qui ne sentent pas le besoin de se faire un grand nom. Néanmoins cette philosophie et cette sévérité dont ils se targuent n’a d’autre source que celle-ci. Nous ne commençons à mépriser les louanges qu’au moment où nous cessons de faire des