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toute chose, les lois de Minos. Du mélange que nous avons fait de l’ancien et du moderne, du paganisme et du christianisme, est née une civilisation de pièces et de morceaux, habit d’Arlequin qui, heureusement, commence à tomber en loques. Ma colère, à ce sujet, faisait rire alors, et fera rire peut-être encore aujourd’hui. Cela ne m’a pas empêché, malgré mon amour pour les Grecs, de prendre à guignon les grands hommes de Plutarque et Plutarque lui-même, ce Grec qui n’ose apprécier ni la grandeur politique de Démosthènes, ni le génie d’Aristophane. Étudions l’antiquité, respectons la tradition, mais ne leur empruntons que ce dont nous ne pouvons nous passer. Mon admiration pour Bonaparte ne m’a pas empêché de le traiter souvent d’homme de collége ; Paoli l’avait bien deviné : c’était sous beaucoup de rapports, un héros de Plutarque, aussi restera-t-il, je l’espère, le dernier et peut-être le plus grand des hommes de l’ancien monde, qu’il aimait à refaire, à sa manière toutefois. Hélas ! rien ne porte malheur comme de lutter contre un monde nouveau ! Napoléon a succombé à la tâche. En 1815, justifiant le mot de Paoli, il écrivait au régent d’Angleterre qu’il venait, comme Thémistocle, s’asseoir au foyer britannique[1]. Le

  1. En 1840, nous avons traité Napoléon à son goût. Après la publication du procès-verbal d’exhumation qui constatait que ses restes étaient dans un état de conservation à faire crier miracle, les jour-