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que, de toute la journée, que je passai sans chanter, il ne tourna pas les yeux de mon côté. C’était un blond d’une jolie figure, quoiqu’un peu pâle. Le lendemain, dès la pointe du jour, je le revis à la besogne et toujours avec la même assiduité. Ce jour-là pourtant, j’osai chanter, mais tout bas ; ses yeux se tournèrent vers moi et nous nous saluâmes. Puis vinrent les rencontres sur le palier ; puis les services de bon voisinage ; enfin une intimité complète s’établit entre nous deux, pauvres jeunes gens. Il avait quatre ans de plus que moi et fournissait par son travail aux besoins d’une mère infirme, qu’il allait, fêtes et dimanches, visiter à Charonne. Bientôt une tendresse mutuelle nous rendit inséparables, et nous trouvâmes de l’économie à n’avoir qu’un ménage et à faire bourse commune. J’en ai bien souvent demandé pardon au bon Dieu, que nous allions prier ensemble. Hélas ! je devins grosse au bout de quelques mois de cette heureuse liaison : ce fut une joie de plus pour nous. Il venait de perdre sa mère, qui nous avait bénis en mourant, et nous gagnions assez pour élever un enfant. Les mois de bonheur que j’ai passés avec ce bon Paul Gaucher me sont encore présents : il n’en est pas venu d’autres pour les faire oublier, et le malheur était si près de nous ! Gaucher depuis longtemps souffrait de la poitrine ; tout à coup le mal fit de rapides progrès : malgré tout