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prédit que je serais un jour le premier banquier de France. Il se consolait ainsi de ne pas me voir page de Louis XVIII.

Il n’était pas le seul royaliste qui cherchât dans les affaires d’argent une compensation aux mécomptes politiques. Des personnages de haute extraction étaient en relation d’intérêt avec nous. Quelques-uns, il est vrai, jouaient le modeste rôle d’emprunteurs. Ce n’étaient certes pas nos débiteurs les plus exacts : plusieurs ne s’acquittèrent jamais. Mon père, comme M. Jourdain, n’en était pas moins glorieux d’avoir de pareils obligés, qui descendaient jusqu’à se faire ses flatteurs pour avoir l’avantage de devenir des parasites. J’en ai vu l’aider à faire sa toilette.

J’ai déjà dit un mot de M. de Clermont-Gallerande. Celui-là me paraissait rempli de dignité ; d’ailleurs, il ne nous employait que pour des opérations de bourse, alors presque inévitables pour tout le monde. Ce comte, que je ne vis que quelquefois, me donnait l’idée d’un homme de sens et de fermeté. Il avait joué un rôle secret dans les journées de vendémiaire, auxquelles le royalisme avait eu une large part, et où Bonaparte avait fait triompher la Convention. Les premières guerres d’Italie terminées, le général était venu occuper un hôtel rue Chantereine. C’est de l’appartement de M. de Clermont, contigu à cet hôtel,