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laquelle je ne passai guère plus de dix mois. C’était par nécessité qu’elle s’était rapprochée de mon père, avec qui elle avait vécu rarement en bonne intelligence. Elle n’avait pas voulu faire revenir ma sœur de la campagne, où elle était chez des amis[1]. Quant à ce qui me concerne, rien de plus excusable que son indifférence. Buffon a dit que les garçons tiennent de leur mère. Jamais enfant n’a moins ressemblé que moi à la sienne, au moral comme au physique : elle eût voulu faire de moi un brillant muscadin, comme on disait alors, mais ma nature y était rebelle. Ses imprudences mirent un terme à sa vie, qui n’atteignit pas trente-sept ans.

Peu de temps après sa mort, toujours royaliste et non moins sourd à mes remontrances politique qu’à mes observations financières, mon père se laissa entraîner dans la conspiration de Brothier et de la Villeheurnois, si singulièrement déjouée par le général Malo[2]. Notre maison fit venir de l’argent de Londres, où l’on en a toujours trouvé pour susciter

  1. Mademoiselle Sophie Béranger, aujourd’hui religieuse au couvent des Oiseaux de la rue de Sèvres (1860), elle est de sept ans plus jeune que son frère.
  2. Il fut acquitté le 22 ventôse de l’an V par le conseil de guerre. Béranger avait conservé une expédition du jugement. Il y avait quatre accusés principaux : Brothier, la Villeheurnois, Dunan et Poly, et dix-huit accusés subalternes, dont six femmes, sur lesquels ne pesaient pas des charges sérieuses. Le père de Béranger, entre autres, n’était accusé que de « propos liberticides. »