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ceux qui me donnent de ridicules éloges, et non contre moi, que vous devez tourner votre colère. Si vous avez lu mes ponts-neuf, et mes préfaces, vous devez voir que je n’ai jamais eu de prétentions bien ambitieuses en quoi que ce soit ; et si vous me connaissiez, et il est nécessaire de connaître un homme pour le juger, vous sauriez que depuis dix ans j’ai rompu avec le monde qui fait et soutient les réputations. Vous sauriez que je n’ai jamais prononcé la plupart des grands noms que vous me citez sans mettre chapeau bas ; vous sauriez enfin que je suis même en garde contre l’engouement fort excusable de mes meilleurs amis, et que je leur ai souvent répété une partie des vérités que vous prenez la peine de m’adresser.

« Au reste, monsieur, ce dont vous vous plaignez est le mal du temps. Aux époques où il y a pénurie de grands hommes, le public en invente. Ceux qu’en termes de coulisses on choisit pour bouche-trous sont souvent dupes de ces courtes bonnes fortunes et prennent leur rôle au sérieux. Un peu de sens commun m’a préservé de cette folie. Vous voyez, monsieur, que je ne suis pas loin de penser comme vous. Aussi je n’accepte pas le rapprochement que vous faites entre vous et le paysan d’Aristide, parce qu’il vous est trop défavorable et qu’il m’honore beaucoup au delà de votre intention.

« Mais, monsieur, c’est au public et par la voie des journaux que vous deviez adresser le contenu de votre lettre, et non à un vieux comme moi, ainsi que vous le dites. En répandant votre opinion sur mon compte, je suis sûr que vos critiques eussent trouvé bien des échos. Leur accord eût pu calmer votre irritation, que je suis loin de blâmer, sans approuver toutefois les formes que vous lui donnez dans votre épître. Et ici, monsieur, permettez-moi de vous faire une observation sur les convenances les plus vulgaires.