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pondais-je, chez nous, où l’on écrit et parle de si bonne heure, nous débutons toujours avec les idées d’autrui et sans avoir eu le temps de nous rendre compte de leur rapport avec nos sentiments propres, ce qui, par parenthèse, explique les variations de tant d’esprits supérieurs ; or, nos romantiques sont tous très-jeunes ; pardonnons-leur donc des erreurs dont nous ne devons demander raison qu’à leurs nourrices. Ils n’en forcent pas moins notre littérature à exprimer plus franchement les choses modernes, actuelles et toutes françaises, que nous avons trop longtemps rendues, même dans nos assemblées politiques, à l’aide d’emprunts faits à l’antiquité, ou dans un langage ennemi du mot propre, comme celui dont Delille vous offre le modèle. Attendez ! en vain ils s’attachent au passé, ils viendront à nous ; la langue qu’ils parlent les conduit à nos idées. » On ne voulait pas me croire : la prédiction ne s’en est pas moins accomplie. La langue ! la langue ! c’est l’âme des peuples ; en elle se lisent leurs destinées. Quand donc, dans nos colléges, enseignera-t-on sérieusement le français aux élèves ? Quand y fera-t-on un cours raisonné de l’histoire de la langue, depuis François Ier jusqu’à nos jours, non pour expliquer nos auteurs, mais pour expliquer par ces auteurs, échos de leurs siècles, la marche de la langue, ses tâtonnements, ses déviations, ses repos et ses progrès ?