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du côté et par la pente de Clichy. Ce sont des hussards ; ils montent lentement : sont-ils des nôtres ? Arrivés auprès des moulins, où, à l’aide d’une lunette, je les suis pas à pas, plein d’une douloureuse anxiété, la tête de leurs chevaux se tourne vers Paris. Grand Dieu ! c’est l’ennemi ! Le voilà maître des hauteurs si mal défendues. Bientôt cesse le bruit de la fusillade et de l’artillerie ; mon effroi augmente et je descends vite dans la rue pour savoir des nouvelles. À travers les blessés qu’on rapporte, les fourgons qui rentrent pêle-mêle, je cours jusqu’aux boulevards, et là, comme j’en avais le triste pressentiment, j’apprends qu’une capitulation vient d’être signée par les seuls aides du duc de Raguse. Ce maréchal, travaillé depuis longtemps par les conspirateurs bourboniens (fait dont je suis sûr), après s’être très-bien conduit pendant la durée du combat, osa donner, un peu plus tard, le signal de la défection.

Le peuple des ouvriers, entassé derrière la ligne de défense que j’avais voulu voir le matin, compta toute la journée sur l’arrivée de l’Empereur, qui n’était qu’à quelques lieues ; il s’apprêtait au spectacle d’une victoire. Apercevait-on au loin dans la plaine un général sur un cheval blanc, suivi de quelques officiers : « Le voilà ! le voilà ! » s’écriait cette foule, qui ne supposait même pas que Paris pût courir un danger sérieux. À la nouvelle de la capitulation, il