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Si l’on peut juger des rigueurs de la censure par cet échantillon, on verra peut-être aussi, à la lecture de ces vers, ce qu’il y avait d’abnégation personnelle dans leur publication. La preuve que je jugeais ainsi du recueil entier, c’est que je renonçai à l’impression, dès que je fus convaincu de l’impossibilité d’en faire hommage à M. Lucien. Ce morceau ne fut pas plus heureux sous la Restauration. Arrangé à la circonstance pour obtenir qu’il pût paraître, je l’envoyai aux Almanachs des Muses, sans pouvoir en obtenir la publication. Ce ne fut enfin qu’en 1833 que, par quelques lignes de prose, je pus, d’une manière convenable, rendre publique l’expression de ma reconnaissance pour l’illustre proscrit, que je n’ai revu que deux fois après le 20 mars 1815. À cause de ma réputation de chansonnier, il m’adressa alors de vifs reproches[1] sur l’abandon que je semblais faire des genres élevés. N’ayant pu le persuader que cet abandon était loin d’être encore dans mes projets, je crus devoir me tenir à l’écart, jus-

  1. Vous êtes un peu sévère, vous et votre ami, sur les poésies de madame Lucien Bonaparte. Il y a de fort belles choses dans Bathilde, reine des Francs. Le quatrième chant, la scène des druidesses, a un grand mérite comme couleur locale et harmonie des vers. Je suis peut-être partial en ce qui concerne votre grand-père et sa femme ; mais Lucien m’a toujours fait l’effet d’un maître. J’en suis encore à admirer sa fameuse tragédie : vous savez ! » (Lettre à madame M. de Solms ; Correspondance, tome IV, p. 227.)