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mais je ne me sentis jamais de vocation pour ce genre de travail, qui a fini chez nous par dévorer tant de

    pour moi. La partie à laquelle vous vouliez m’attacher est, sans contredit, celle qui m’eût présenté le plus de charmes ; mais, même dans cette partie, un journaliste qui craint le scandale devient bientôt froid, et c’est être ridicule. Il ne faut point être catin ni bégueule. Un autre cas de conscience se joint à celui-là : la route tracée par ceux dont je serais le successeur est diamétralement opposée à celle que mes principes et mes opinions me forceraient de suivre. Pour moi, Voltaire serait un modèle (au moins souvent) et Chénier une autorité. Ne regardant point le théâtre comme étranger à la politique, pensant même qu’une route immense serait ouverte à l’auteur qui oserait tenter de donner, par le spectacle, une direction à l’esprit public, il me serait impossible d’accorder mon utopie théâtrale avec les maximes précédemment débitées dans la chaire où l’on me ferait monter. Chaque jour même je jetterais du rez-de-chaussée des pierres à ceux qui occupent les étages supérieurs de la maison et, comme ils tiennent à leurs vitres, sans faire cas de la lumière, il est à croire qu’ils videraient sur moi leurs cassolettes, pour se débarrasser d’un voisin incommode. Peut-être on me dira qu’il serait nécessaire d’abord de courber la tête ; mais, puisqu’on vous demande un honnête homme, on ne doit point vouloir le soumettre à cette épreuve. C’est aussi en honnête homme que j’ai dû consulter mes forces littéraires. Sur ce point encore, accepter serait une témérité dont je me repentirais bientôt. Je suis dépourvu de cette première éducation qui doit être la base de toute critique. Je suis également privé de la plupart des connaissances particulières au genre auquel il faudrait que je me livrasse. Je veux parler ici et des productions théâtrales étrangères et des traditions de coulisses ; ma pauvreté, vous savez que je ne rougis point du mot, ma pauvreté ne m’a jamais mis à même de suivre les spectacles. Or, je crois que cette habitude doit être acquise depuis longtemps, pour écrire sur la manière dont les ouvrages dramatiques sont rendus. Enfin, j’ai bien fouillé dans tous les plis de mon cerveau, et il ne me semble point y trouver cette forme légère, ces tournures piquantes, cette facilité de style, qui rendent un article