Page:Béranger - Chansons anciennes et posthumes.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



Du chapeau de son père,
Coiffé dans les grands jours,
De roses ou de lierre
Le rajeunir toujours ;
Mettre un manteau de bure,
Vieil ami de vingt ans ;
Eh gai ! c’est la parure
Du gros Roger Bontemps.

Posséder dans sa hutte
Une table, un vieux lit,
Des cartes, une flûte,
Un broc que Dieu remplit,
Un portrait de maîtresse,
Un coffre et rien dedans ;
Eh gai ! c’est la richesse
Du gros Roger Bontemps.

Aux enfants de la ville
Montrer de petits jeux ;
Être un faiseur habile
De contes graveleux ;
Ne parler que de danse
Et d’almanachs chantants ;
Eh gai ! c’est la science
Du gros Roger Bontemps.

Faute de vin d’élite,
Sabler ceux du canton ;
Préférer Marguerite
Aux dames du grand ton ;
De joie et de tendresse
Remplir tous ses instants ;
Eh gai ! c’est la sagesse
Du gros Roger Bontemps.

Dire au ciel : Je me fie,
Mon père, à ta bonté ;
De ma philosophie
Pardonne la gaieté ;
Que ma saison dernière
Soit encore un printemps ;
Eh gai ! c’est la prière
Du gros Roger Bontemps.

Vous, pauvres pleins d’envie,
Vous, riches désireux,
Vous, dont le char dévie
Après un cours heureux ;
Vous, qui perdrez peut-être
Des titres éclatants,
Eh gai ! prenez pour maître
Le gros Roger Bontemps.