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la censure s’y opposa. Mon protecteur était proscrit comme il l’est encore.

Pendant les cent jours, M. Lucien Bonaparte me fit entendre qu’en m’adonnant à la chanson, je détournais mon talent de la vocation plus élevée qu’il semblait avoir eue d’abord. Je le sentais ; mais j’ai toujours penché à croire qu’à certaines époques les lettres et les arts ne doivent pas être de simples objets de luxe, et je commençais à deviner le parti qu’on pourrait tirer, pour la cause de la liberté, d’un genre de poésie éminemment national. Je ne sais ce que M. Lucien pense aujourd’hui de mes chansons ; j’ignore même s’il les connaît. Je lui ai plusieurs fois écrit pendant la Restauration sans en obtenir de réponse. En vain me suis-je dit qu’en me répondant il craignait sans doute de me compromettre, son silence m’a affligé. Depuis la Révolution de Juillet, j’ai cru devoir attendre la publication de mon dernier recueil pour lui rappeler tout ce qu’il a fait pour moi.

En ce moment où mes regards se portent en arrière, il m’est bien doux de les arrêter sur l’homme illustre qui, jadis, m’a sauvé de l’infortune ; sur celui qui, en me donnant foi dans mon talent, a rendu à mon âme les forces que le malheur allait achever de lui ravir ! Sa protection placée ailleurs