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telle qu’on l’a toujours entendue en France. Nous ne la reconnaissons point dans ces vers, dont la politique fournit les sérieux sujets, où la malice est remplacée par la malveillance, et une critique badine par une hostilité agressive. Ce ne sont point là les gais et piquants refrains que faisaient et supportaient nos pères.

« Si, par les formes du style, les vers du sieur de Béranger tiennent de la simple chanson, par la grandeur des idées, la profondeur des pensées, et l’énergie de l’expression, il en est certains qui s’élèvent quelquefois jusqu’à l’ode. Appelez-les des chansons, soit ; mais, bien que vous indiquiez un air, ainsi que le disait, dans le premier procès du sieur de Béranger, le magistrat dont le brillant plaidoyer est encore dans tous les souvenirs (M. de Marchangy), il ne s’ensuit pas qu’on soit tenu de les chanter ; on peut tout aussi bien les lire.

« On a dit que le sieur de Déranger était un séditieux de salons, et qu’il n’écrivait point pour les guinguettes. Sans doute quelquefois dans ses vers l’allusion et le sens sont assez obscurs, ou, si l’on veut, assez profonds pour échapper à des intelligences vulgaires ; mais son talent peu commun, son talent, dont nous déplorons l’abus et les écarts, sait prendre tous les tons ; s’il s’adresse souvent aux salons, il s’adresse aussi aux chaumières, disons mieux, aux tavernes, où ses couplets ne sont pas inconnus. Voyez le recueil qui est sous vos yeux, voyez ceux qui l’ont précédé ! ils sont reproduits dans tous les formats, mis à la portée de toutes les fortunes ; et pourquoi ? c’est qu’apparemment les vers qu’ils renferment n’ont pas tous été faits pour des esprits d’un ordre supérieur. Bien plus, le libertinage et l’esprit de sédition s’en emparent et y trou-