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« L’accusation, messieurs, vous propose des choses bien étranges. Elle vous propose d’effacer, par une décision rétroactive, la publicité d’un débat qui a eu lieu publiquement ; de faire, après coup, d’une audience publique, une audience à huis clos ; de prononcer la suppression d’un arrêt de cour royale… En vérité, tout cela est trop fort.

« Ainsi, point de délit ; donc, point de complice. La justification de de Béranger est pour Baudouin une première ligne de défense.

« Dois-je maintenant vous parler des accusés, après vous avoir parlé de la cause ?

« Je l’avoue, messieurs les jurés, cette cause m’afflige profondément ; elle m’afflige pour elle-même, pour les principes, pour la justice ; elle m’afflige pour les hommes si dignes d’intérêt que nous venons défendre.

« Ici, c’est un jeune négociant, recommandable par l’aménité de ses mœurs et la douceur de son caractère ; c’est un nouvel époux qu’une accusation inopinée a surpris au milieu des fêtes nuptiales…

« Là, c’est un littérateur aussi distingué par ses talents que par ses qualités morales ; c’est de tous les écrivains de cette époque celui qui peut-être a fait faire le plus de progrès au genre qu’il a cultivé ; poëte ingénieux, philosophe aimable, portant la pauvreté avec noblesse, et la célébrité avec modestie… Dites-moi, n’y a-t-il pas quelque chose de barbare à tourmenter ces hommes d’élite à qui nous devons tant de plaisirs, à qui la France devra peut-être quelque gloire ? N’est-ce pas une espèce de sacrilège de les harceler par des persécutions, de troubler leurs loisirs si fertiles, de fatiguer leur existence, de flétrir leur génie ? Mieux inspirés que nous, les anciens révéraient les bons poëtes ; ils les nommaient des