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de l’éditeur, les principes les plus sacrés ; la publicité des débats, la sainteté de la défense, la majesté des arrêts, une possession de droit consacrée par un usage immémorial ; du côté de l’imprimeur, une confiance fondée sur les causes les plus légitimes, une fin de non-recevoir invincible et puisée dans le texte même de la loi que l’on invoque contre nous ; tout se réunit pour assurer le succès de la défense ; tout semblait écarter d’avance jusqu’à l’idée d’une accusation. Pourquoi donc sommes-nous devant la cour d’assises ?

« J’éprouve ici, messieurs les jurés, un embarras bizarre et cependant réel, c’est d’avoir trop raison. Il est plus difficile qu’on ne le croit de prouver l’évidence. Comment trouver des arguments sérieux pour démontrer que le jour est l’opposé de la nuit, que deux et deux font quatre, et qu’un imprimeur ne mérite pas une année de prison pour avoir imprimé textuellement l’arrêt d’une cour de justice lu en audience publique, et certifié par la signature d’un officier ministériel ?

« Vous vous rappelez quelles circonstances ont amené cette publication. L’un de nos premiers poètes, M. de Béranger, venait d’être traduit devant les tribunaux ; la cour n’avait pas vu d’inconvénient à la publicité des débats ; elle n’avait pas cru nécessaire de tenir son audience à huis clos : après des plaidoiries contradictoires prononcées devant un concours immense d’auditeurs, de Béranger, condamné sur un seul chef d’accusation, avait triomphé sur tous les autres.

« De Béranger comptait de nombreux amis ; son talent comptait de nombreux admirateurs : tous attendaient avec une impatience facile à concevoir le récit des débats. Les journaux arrivent : l’accusation