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doute le plaisir de connaître l’œuvre d’un talent distingué ; mais la censure n’a pas été instituée pour le plaisir des lecteurs : reste à savoir si la publication de la défense était nécessaire après le jugement.

« Le prévenu, en ne réimprimant que les chansons condamnées, n’est pas moins coupable que s’il eût imprimé tout le recueil ; il l’est même davantage, puisqu’il ne choisit précisément dans ce recueil que ce qui a été l’objet d’une juste réprobation. »


Après avoir ainsi soutenu l’accusation, voici comment monsieur l’avocat-général a terminé sa plaidoirie :


« Les uns penseront peut-être que, pour traduire les décisions des jurés et des magistrats à la barre de l’opinion publique, on peut faire connaître les écrits qu’ils ont injustement punis ; que dans ce cas la plainte est un droit, l’opposition un devoir, l’insulte un combat légitime, et le scandale une propriété ; qu’à la vérité la loi défend de publier des écrits condamnés, mais qu’ici la loi doit être récusée comme alliée de la Justice, qui a prononcé la condamnation ; et comme partie intéressée au procès qu’on défère à la société. Ces principes excitent votre surprise, et cependant, messieurs, ne serait-ce pas les consacrer que d’absoudre les prévenus ?

« Les autres penseront qu’on doit rejeter, comme de funestes erreurs, ces étranges distinctions entre la Justice et la société, qui n’ont au contraire qu’un seul et même intérêt, car la Justice est l’interprète de la société, puisqu’elle est l’organe des lois qui sont les paroles de la société personnifiée par le concours des trois pouvoirs ; qu’ainsi appeler à la société