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janvier ; elle est dans tous les principes qui l’ont préparée ; et il faudrait nous croire encore plus incorrigibles que nous ne le sommes, pour nous proposer de suivre les antécédents de nos troubles civils.

« Au surplus, c’est une grande erreur de penser que jamais la chanson ne fut réprimée. On disait autrefois de notre vieux gouvernement que c’était une monarchie tempérée par des chansons. Depuis, l’état a trouvé des garanties d’une tout autre importance, et la chanson pourrait sans inconvénient abdiquer l’exercice de ses fonctions politiques ; et cependant, avant la révolution même, son émancipation en ce genre n’était point illimitée : elle était punie par un mode administratif, mode arbitraire, sans doute ; et, malgré l’avantage qu’il avait d’épargner l’éclat scandaleux de la publicité, on devait lui substituer une procédure judiciaire et libre : c’est surtout à des jurés qu’il appartient de statuer sur les abus dont la société peut s’alarmer. La cour d’assises a donc succédé aux lettres de cachet et à l’exil, qui plus d’une fois firent expier la témérité d’une verve satirique et licencieuse.

« Pendant la révolution, fut-on plus indulgent peur les chansons ? Il faut distinguer : on encourageait, on soldait les hymnes sanguinaires et ces chants funèbres préludes des massacres, et ces airs sacrilèges hurlés autour des échafauds ; mais on punissait de mort quiconque osait chanter Ô Richard ! ô mon roi ! et Vive Henri IV !

« On a fait l’éloge de l’indulgente patience de Buonaparte pour les chansons qui contenaient de critiques allusions à sa puissance ; il est vrai que jamais il ne déféra un chansonnier aux tribunaux, car il avait adopté contre ceux qui essayaient sur lui l’épi-